« C’est sans aucun doute difficile d’être une femme dans cette industrie », témoigne Ashlee Dunham, bergère de 28 ans installée à Raetihi-Wanganui. Chez les kiwis, alors que le nombre d’exploitations ovines a presque diminué de moitié ces 25 dernières années le nombre de bergères, lui augmente.

Ces femmes doivent faire leur place dans un secteur dominé par les hommes « De ma propre expérience, je trouve que certaines personnes ont une vision très machiste, mais je préfère ne pas y penser », continue Ashlee. En Nouvelle-Zélande il n’y a pas d’estive et les bergères ne se retrouvent pas, comme en France, recluses et isolées pendant plusieurs mois en haute montagne .« Mes collègues étaient surpris quand je leur racontais que chez nous on garde les bêtes seules pendant tout l’été »,se rappelle Lucie Grancher, professionnelle de la tonte partie plusieurs fois chez les kiwis.

Lucie Grancher est une professionnelle de la tonte de moutons depuis 2018

En France la tradition pastorale date de plus de 2000 ans. La taille des troupeaux varie de quelques centaines à 3000 bêtes environ et les bergers doivent cohabiter avec les loups, les chasseurs ou encore les randonneurs. En Nouvelle-Zélande en revanche, c’est une industrie plus intensive. La plus grosse exploitation, la Molesworth Station, propriété de la couronne d’Angleterre, fait 185 000 hectares.

Dans une ferme proche de Gisborne, Ashlee Dunham devait rassembler plus de 30 000 bêtes à dos de cheval

Sur l’île du sud comme du nord, il n’y a pas de prédateurs donc les animaux pâturent sans surveillance dans des prairies permanentes. Ils ne sont déplacés que pour aller brouter un nouveau pan de montagne ou lorsqu’ils doivent passer à la tondeuse. « Les kiwis savent mieux tirer profit de la laine que les français. Ils ont plus de 70% de rendement et la vendent en grande partie aux marchés asiatiques », explique la jeune femme de 27 ans qui a appri à trier la laine dans différentes fermes. C’est le cas des célèbres marques néo-zélandaises Swanndri et Ice Breaker dont les doux et chauds vêtements en mérinos sont fabriqués en Chine avant d’être réimportés.

« En France nous avons moins de 50% de rendement car la laine n’est pas assez valorisée par les éleveurs. Mais elle est aussi plus grasse et plus difficile à tisser car nos moutons mangent du foin et restent en intérieur pendant l’hiver », commente cette fille d’éleveurs de mérinos installés dans les Alpes de Haute Provence.

Camille Buffin a fait la traite des brebis pendant trois mois dans une ferme proche du lac Taupo

En France l’industrie agricole contribue à hauteur de 7% du PIB environ. « On était huit pour traire 3000 berbis deux fois par jour », rapporte Camille Buffin. Ouvrière agricole partie en 2019, elle ne garde pas un très bon souvenir de son expérience.  « Cétait passionant les deux premières semaines, mais c’était toujours le même travail et c’est vite devenu un boulot d’usine. Il faut traire et vite ! » explique la jeune femme de 30 ans.

Issue d’une famille de fermiers, Ashlee Dunham est bergère depuis ses 20 ans

Lorsque les troupeaux doivent êtres conduits vers une nouvelle aire à pâturage, la plupart des fermiers utilisent quads, motos et même hélicoptères. Mais certaines exploitations restent attachées aux anciennes pratiques et continuent de déplacer les troupeaux à dos de cheval, le horseback mutering en langage kiwi. « Pendant deux ans j’ai travaillé dans une énorme ferme proche de Gisborne où nous étions neuf pour rassembler plus de 30 000 vaches et moutons », raconte Ashlee. Une vie de labeur qui demande une grande forme physique et une mentale que cette ancienne reine de beauté ne changerait pour rien au monde. « J’adore les animaux et l’isolement ne me dérange pas. Ce n’est pas juste un job mais le style de vie que j’aime et que j’ai choisi ».

Ashlee Dunham garde les mouton à dos de cheval avec ses chiens

Ashlee a travaillé avec de nombreux étrangers. De nombreuses opportunités sont offertes aux bergers débutants ou confirmés que ce soit par le biais du Woofing des réseaux sociaux ou des sites de recrutement. « Ils m’ont payé le billet d’avion et m’ont donné 3000 dollars pour venir », ajoute Camille, satisfaite des conditions de travail . « Pendant la traite des brebis je travaillais six jours puis j’avais trois jours de congés et je gagnais plus qu’en France car on était payé à l’heure ».

De son côté Louise a fait cinq jours de bénévolat chez Heather et Kevin, dans une ferme proche du Tongariro, en 2020 «  Notre travail principal fut la tonte des moutons ! », raconte la Haut-Savoyarde sur son Blog Louise voyage. « Le club de tonte de la région donnait un coup de main à la famille. Et cela va très vite ! En moyenne, Kevin mettait seulement 25 secondes pour tondre entièrement un mouton ! ».

Pour les passionnés, plus d’histoires sont à découvrir dans le tout nouveau magazine Shepherdess, un trimestriel qui fait la part belle aux bergères néo-zélandaises.

Elsa Hellemans